Qu’est-ce qu’il faut savoir sur la réglementation européenne ESPR ?

L’Union européenne accélère sa transition vers des modèles économiques plus durables avec l’adoption du règlement ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation) en avril 2024. Cette nouvelle réglementation, pilier du Pacte vert européen, impose aux entreprises de concevoir des produits plus durables, réparables et circulaires.

Au-delà d’un simple cadre législatif, l’ESPR marque une étape stratégique. Il rend obligatoires des principes déjà au cœur des démarches d’économie circulaire, comme l’éco-conception, la réparabilité ou encore la réduction de l’empreinte environnementale tout au long du cycle de vie d’un produit.

Ce que vous devez retenir : 

Le règlement ESPR a été adopté en avril 2024 et s’appliquera progressivement dès 2026.

Il élargit l’éco-conception à la majorité des biens de consommation et industriels, au-delà des seuls produits liés à l’énergie.

Ses grandes obligations : durabilité, réparabilité, réemploi, limitation des substances nocives et transparence via le Passeport Produit Numérique.

Les secteurs les plus concernés : textile, électronique, mobilier, batteries et construction.

L’ESPR n’est pas seulement une contrainte : c’est une opportunité de réinventer vos modèles économiques (seconde main, location, reconditionnement) et de renforcer votre résilience.

Pour vous préparer, vous pouvez déjà : cartographier vos flux, initier l’éco-conception, anticiper les DPP et former vos équipes.

ESPR, qu’est-ce que c’est ?

Le règlement ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation) a été adopté par le Parlement européen le 25 avril 2024. Il s’inscrit dans la continuité du Pacte vert européen et vise à transformer en profondeur la manière dont les produits sont conçus, fabriqués, utilisés et traités en fin de vie.

 

Concrètement, cela signifie que la conception d’un produit ne pourra plus se limiter à des critères de performance ou de coût. Les entreprises devront désormais intégrer des exigences de :

  • Durabilité

    Les produits devront être conçus pour durer plus longtemps, avec des garanties et des pièces de rechange disponibles.

  • Réparabilité

    Les fabricants devront faciliter le démontage et l’accès aux composants, afin de permettre une réparation rapide et abordable.

  • Réutilisation & réemploi

    Les produits devront être pensés pour avoir plusieurs vies, en intégrant par exemple des modèles de seconde main ou de reconditionnement.

  • Recyclabilité

    Dès la conception, les matériaux devront être choisis et assemblés de manière à pouvoir être séparés et recyclés efficacement.

  • Sobriété en ressources

    Limitation des substances dangereuses, réduction de l’utilisation de ressources critiques (comme certaines terres rares) et prise en compte de l’empreinte carbone dès la phase de design.

L’ESPR remplace ainsi l’ancienne directive sur l’éco-conception (2009/125/CE), qui ne s’appliquait qu’aux produits liés à l’énergie (lampes, chaudières, électroménager…). 

Autrement dit, là où l’éco-conception était auparavant une démarche volontaire ou limitée à certains secteurs, elle devient désormais une obligation transversale pour l’ensemble de l’économie européenne.

Pourquoi ce règlement est-il nécessaire ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : chaque citoyen européen consomme en moyenne 14,5 tonnes de matières premières par an et l’Union Européenne génère plus de 2,2 milliards de tonnes de déchets chaque année. 

 

Ces volumes colossaux exercent une pression directe sur les ressources naturelles, les écosystèmes et la stabilité des chaînes d’approvisionnement. L’ESPR répond donc à une double urgence :

Écologique

Réduire l’extraction de ressources et les déchets.

Économique & stratégique

Diminuer la dépendance de l’Europe à des matières premières critiques.

Une étape clé vers l’économie circulaire

Au-delà de la conformité réglementaire, l’ESPR incarne un changement de paradigme.
Il rend obligatoires des principes déjà expérimentés dans l’économie circulaire : éco-conception des produits, réparabilité et réutilisation, allongement de la durée de vie, réduction de l’empreinte carbone et environnementale sur l’ensemble du cycle de vie.

 

En ce sens, l’ESPR n’est pas une contrainte supplémentaire mais un levier d’innovation et de compétitivité. Les entreprises sont invitées à passer de la théorie à la pratique pour créer des produits plus durables et résilients.

Quels produits sont concernés ?

Avec l’ESPR, l’Union européenne franchit un cap décisif. En effet, cette réglementation ne cible plus seulement les produits liés à l’énergie, comme c’était le cas avec l’ancienne directive de 2009. Désormais, la plupart des biens de consommation et des produits industriels sont concernés, avec des obligations de durabilité, de réparabilité et de transparence.

Les secteurs directement concernés

Plusieurs filières sont dans la ligne de mire de la réglementation, car elles concentrent une part importante des impacts environnementaux. On y trouve notamment : 

  • Textile et habillement

    Les vêtements, chaussures et accessoires devront intégrer davantage de fibres recyclées, être conçus pour durer et être réparables.

  • Électronique et numérique

    Les smartphones, ordinateurs, tablettes ou électroménager devront offrir des pièces détachées accessibles, des batteries remplaçables et une conception facilitant la mise à jour logicielle. Par exemple, un ordinateur portable mis sur le marché européen devra permettre de remplacer facilement sa batterie ou son disque dur, intégrer une part de matériaux recyclés et être accompagné d’un passeport produit numérique détaillant son empreinte carbone et sa composition.

  • Mobilier et ameublement

    Les meubles devront être pensés pour être démontés et réemployés, avec un recours accru aux matériaux recyclés.

  • Batteries et équipements électriques

    Ils se retrouvent parmi les premiers secteurs à mettre en place le passeport produit numérique, ils devront afficher la composition, l’empreinte carbone et la traçabilité des matériaux critiques.

  • Matériaux et produits de construction

    Ce secteur particulièrement énergivore, représente près de 50 % des ressources extraites en Europe selon la commission européenne. Les acteurs économiques de ce secteur devront ainsi réduire leurs dépendances aux matières premières vierges et favoriser le réemploi.

Les produits exclus du champ d’application

Certains produits restent en dehors du périmètre de l’ESPR, car ils sont déjà encadrés par d’autres réglementations européennes :

  • Les denrées alimentaires et produits agricoles, régis par les normes sanitaires.

  • Les véhicules à moteur, déjà soumis aux directives sur les émissions et la performance énergétique.

  • Les produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux, couverts par des réglementations de santé publique spécifiques.

Les grandes obligations pour les entreprises

Avec l’ESPR, vos responsabilités évoluent : il ne s’agit plus seulement de déclarer des engagements RSE, mais de les intégrer dans la conception même de vos produits. 

 

Ces obligations ne doivent pas être vues uniquement comme des contraintes. Elles représentent une opportunité de repenser vos modèles économiques, de gagner en compétitivité et d’aligner vos pratiques avec les attentes de vos clients et de vos partenaires.

 

Voici les quatre grandes obligations que vous devez anticiper.

Intégrer l’éco-conception dès la phase de design

Vous devrez désormais concevoir vos produits pour durer plus longtemps et consommer moins de ressources. Par exemple, si vous êtes dans le mobilier, une table devra être pensée pour être facilement démontable afin de remplacer une pièce sans jeter l’ensemble. Concrètement, cela implique de travailler en amont avec vos équipes design, achats et R&D pour revoir vos choix de matériaux et vos modes d’assemblage.

Faciliter la réparation et le réemploi

L’ESPR impose que les pièces détachées soient disponibles pendant plusieurs années, accessibles et à un prix raisonnable. Dans le cas où vous êtes un fabricant d’électroménager, vous devrez fournir des manuels de réparation clairs et garantir la disponibilité de pièces essentielles (moteurs, filtres, joints).

 

En tant que chef.fe de produit, vous devrez intégrer la réparabilité comme critère de performance au même titre que le prix ou l’efficacité.

Réduire l’usage de substances nocives et de ressources critiques

Vous devrez limiter l’utilisation de substances dangereuses et réduire la dépendance à certaines ressources critiques comme les terres rares. Le secteur de l'électronique sera amené à identifier les matériaux critiques utilisés et à rechercher des alternatives ou des boucles de recyclage.

Renforcer la transparence et la traçabilité

Chaque produit devra être accompagné d’informations fiables sur sa composition, sa réparabilité et son empreinte environnementale, grâce notamment au passeport produit numérique. Prenons l’exemple d’un ordinateur portable. Celui-ci devra indiquer son empreinte carbone, la part de matériaux recyclés intégrés et son indice de réparabilité.

 

Pour vous, cela signifie mettre en place une gestion de données produit beaucoup plus fine et travailler étroitement avec vos équipes IT, conformité et marketing.

Le rôle central des Passeports Produits Numériques (DPP)

DPP & ESPR : deux réglementations environnementales complémentaires

Le Passeport Produit Numérique (DPP) est l’outil-clé de l’ESPR. C’est grâce à lui que les exigences de durabilité et de circularité deviendront mesurables et vérifiables. Accessible via un QR code ou une puce, il regroupera des informations essentielles sur la composition, l’empreinte carbone, la réparabilité et la recyclabilité des produits.

 

Autrement dit, le DPP est le trait d’union entre la réglementation et la mise en pratique. Il apporte la transparence nécessaire pour suivre un produit tout au long de son cycle de vie et faciliter son réemploi ou son recyclage.

 

Si vous souhaitez approfondir ce sujet et anticiper son déploiement, la Circulab Academy propose une formation courte dédiée aux Passeports Produits Numériques.

Quels impacts concrets pour les entreprises ?

L’ESPR va transformer en profondeur la manière dont vous concevez et gérez vos produits. Ses impacts se feront sentir à plusieurs niveaux.

Un changement dans la conception produit

Vous ne pourrez plus lancer un produit sans intégrer sa durabilité dès la phase de design. Cela signifie choisir des matériaux recyclés ou recyclables, faciliter le démontage, prévoir des pièces détachées disponibles. Par exemple, un fabricant de meubles devra proposer des systèmes d’assemblage permettant de remplacer facilement un élément abîmé au lieu de jeter tout le produit.

Une pression accrue sur la chaîne d’approvisionnement

Vos fournisseurs seront désormais au cœur du processus de conformité. Il vous faudra garantir la traçabilité et la transparence des matériaux utilisés. Si vous travaillez dans la filière textile, il faudra être capable de prouver l’origine des fibres et leur impact environnemental via le futur passeport produit numérique.

Une nouvelle exigence de transparence envers vos clients

Les consommateurs auront accès à beaucoup plus d’informations : empreinte carbone, réparabilité, part de matériaux recyclés, durée de disponibilité des pièces. Ce niveau de détail deviendra un critère d’achat.

Une évolution des modèles économiques

L’ESPR ne se limite pas à améliorer les produits existants. Il incite les entreprises à réinventer leur modèle économique. En rendant la réparation, la réutilisation et le réemploi incontournables, il devient beaucoup plus difficile de se contenter d’un modèle basé uniquement sur la vente de produits neufs. De nouveaux leviers apparaissent ainsi comme le reconditionnement, la seconde main, la location ou l’abonnement.

 

En pratique, l’ESPR devient donc un catalyseur de transition. Il oblige à sortir du modèle linéaire pour aller vers des modèles plus résilients et compatibles avec les limites planétaires.

Comment se préparer dès aujourd’hui ?

L’ESPR va entrer progressivement en application dès 2026. Attendre la dernière minute serait risqué. Non seulement vous exposeriez votre entreprise à des sanctions, mais vous perdriez aussi l’opportunité de vous différencier. Dans cette section, nous vous proposons quelques leviers à activer dès aujourd’hui. 

Cartographier vos flux et dépendances

Commencez par analyser votre chaîne de valeur : quelles ressources consommez-vous ? Quels déchets ou pertes de valeur générez-vous ? Où sont vos dépendances critiques (matières premières, fournisseurs, énergie) ?

Notre outil Value Chain Canvas est particulièrement adapté pour visualiser vos flux et identifier les zones à risque ou les opportunités d’amélioration.

Initier une démarche d’éco-conception

N’attendez pas que la réglementation vous y oblige et intégrez l’éco-conception dès aujourd’hui dans vos projets. Vous pouvez, entre autres, commencer par utiliser le Circular Canvas. Cet outil vous aide à repenser vos produits, services et business models en intégrant des boucles circulaires (réutilisation, réparation, recyclage).

Anticiper les Passeports Produits Numériques

Même si seuls certains secteurs seront concernés dès 2026 (batteries, textile, électronique), il est essentiel de commencer à préparer vos systèmes d’information pour être en mesure de collecter et partager les données produit.

La Circulab Academy propose une formation courte dédiée aux Passeports Produits Numériques, conçue pour vous aider à comprendre les enjeux, les données à intégrer et les technologies disponibles.

Former et mobiliser vos équipes

La réussite de cette transformation ne dépend pas seulement d’un service, mais de l’ensemble de vos équipes : design, achats, production, marketing, conformité.
 

Nos formations « Découvrir les réglementations de l’économie circulaire » ou « Initier une démarche d’éco-conception » sont conçues pour vous donner des bases solides et des outils immédiatement applicables.

Construire votre feuille de route économie circulaire

L’ESPR peut être intégré dans une stratégie plus large de circularité et de résilience. C’est l’occasion de définir vos priorités : quels produits cibler en premier ? Quels nouveaux modèles tester ? Quelles parties prenantes associer ?
 

La méthode de Design Circulaire développée par Circulab vous permet d’élaborer cette feuille de route de manière systémique et collaborative.

En bref

L’ESPR marque un tournant majeur. En effet, il ne s’agit plus seulement de réduire l’impact des produits, mais de transformer en profondeur nos modèles vers plus de durabilité et de circularité. 

 

Pour vous, c’est autant une obligation qu’une opportunité stratégique : innover, gagner en compétitivité et renforcer votre résilience face aux crises de ressources. Plus vous anticipez, plus vous ferez de cette réglementation un levier de différenciation durable.

Envie d'y voir plus clair sur les réglementations environnementales ?

La Circulab Academy vous propose de monter en compétences sur les DPP ainsi que les autres principales réglementations françaises et européennes. 

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